Justice fiscale par Claudy Lebreton
01 mar
Le moins que l'on puisse dire, c'est que la proposition de François Hollande de taxer les revenus de plus d'un million d'euros annuels à hauteur de 75 % fait du bruit… Et c'est tant mieux ! Car c'est bien là que se situe le débat politique fondamental, le véritable choix de société qu'auront à faire les Françaises et les Français les 22 avril et 6 mai prochains.
La droite n'a pas manqué de railler et de dénoncer cette proposition, qui lui semble inconcevable. Mais comment pourrait-il en être autrement de la part d'une majorité qui, pendant cinq ans a érigé l'injustice fiscale en principe de gouvernement ?
Après avoir multiplié les exonérations et les niches fiscales en tous genres, elle vient d'adopter une augmentation de la TVA, impôt injuste car il frappe proportionnellement davantage les revenus modestes que les hauts revenus – pourtant, certains veulent nous faire croire que cette TVA serait désormais "sociale" !
Pourquoi la droite agit-elle ainsi ? On peut raisonnablement penser que ce n'est pas par pure méchanceté. Non, en réalité, elle est convaincue qu'en laissant les riches s'enrichir, cela générera de l'activité et de l'emploi, et que cela profitera in fine à toute la société.
Les objectifs auront été en partie atteints : sous le mandat de Nicolas Sarkozy, les riches se sont considérablement enrichis. Pour ce qui est des retombées économiques sur l'ensemble de la société, nous attendons toujours. Ou plutôt non, nous les connaissons : augmentation du chômage et du nombre de Français sous le seuil de pauvreté, aggravation des déficits et de la dette publics, dégradation de la qualité des services publics…
Certes, il y a eu la crise. Je n'en sous-estime pas les effets. Si la gauche avait été au pouvoir au cours de ces dernières années, elle aurait, elle aussi, dû faire face à des difficultés importantes. Mais au moins n'aurait-elle pas privé l'Etat et les collectivités territoriales des moyens d'y faire face en asséchant leurs recettes – cette problématique est d'ailleurs au cœur des discussions qui ont cours cette semaine au Conseil général des Côtes d'Armor, à l'occasion de l'examen de son budget primitif pour l'année 2012.
Pour François Hollande, il s'agit donc de mettre fin à l'irresponsabilité budgétaire, à l'inefficacité économique et à l'injustice fiscale – et donc sociale – de ces dernières années. Il a émis plusieurs propositions en ce sens, celle des "75 %" n'étant qu'une parmi d'autres. Rappelons que l'impôt sur le revenu est ce qu'on appelle une imposition "marginale" et que dans ce cadre, le taux de 75 % ne s'appliquerait qu'à partir du millionième euro "gagné" – disons plutôt : "touché" – au cours de l'année.
Cette mesure concernera environ 0,1 % des foyers fiscaux (de 15 à 30 000, selon les estimations) – et aurait une vertu pédagogique en envoyant un signal fort à ceux qui, au cours de ces dernières années, ont profité sans vergogne d'un système absurde et profondément injuste, et se sont enrichis de façon absolument indécente.
Aujourd'hui, en ces temps particulièrement difficiles, nous demandons aux très riches citoyens de faire acte de civisme, et disons-le, de patriotisme pour aider notre pays à se relever et à se sortir de la situation très délicate dans laquelle il se trouve aujourd'hui. Ceux qui continueront à payer leurs impôts en France pourront alors se dire avec une fierté légitime qu'ils contribuent à la richesse nationale.
Certains considérerons qu'il s'agit d'angélisme. Je préfère parler d'idéalisme. Et dans le cas où ces très riches préfèreraient fuir le territoire français pour préserver leur fortune, nous pourrions envisager de déchoir ces exilés fiscaux de la nationalité française. Cette proposition serait-elle saugrenue ou excessive ? Elle est, en tout cas, en vigueur aux Etats-Unis...
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