Les collectivités n'ont pas de leçons à recevoir du Président par Claudy Lebreton
10 fév
Avec Jean-Pierre Bel, le Président du Sénat, Alain Rousset, représentant les Régions, et Jacques Pélissard pour les Communes, j'étais convoqué ce matin à l'Elysée pour une "conférence des finances locales".
Depuis trois ans, les associations d'élus n'ont eu de cesse de demander l'organisation d'une conférence nationale des exécutifs, instance prévue à cet effet. En vain.
Et voici qu'à moins de trois mois du premier tour de l'élection présidentielle, le Président de la République convoque ces associations pluralistes pour discuter de la participation des collectivités à la "réduction des déficits" : personne n'est dupe d'une telle opération de pure communication politique dont le but n'est en rien de défendre l'intérêt national, mais de tenter de rejeter sur les collectivités la responsabilité de la dette publique – comme l'on tente, par ailleurs, de faire porter sur les chômeurs la responsabilité de l'augmentation du chômage.
Lors de son entretien télévisé, le 29 janvier, le Président Sarkozy avait déclaré : “Il y a trois facteurs de déficit. L'État, on s'en occupe. La Sécurité sociale, qui a fait des efforts considérables sur la réforme des retraites. Reste les collectivités territoriales. Nous envisagerons un certain nombre de mesures…”
Mais Nicolas Sarkozy s'est bien gardé d'évoquer ces quelques chiffres : la dette des collectivités territoriales (régions + départements + communes) représente 9 % de l'endettement de notre pays ; celle de la sécurité sociale, 11,5 % ; celle de l'Etat… près de 80 % !
Depuis les lois de décentralisation de 1982-1983, la dette des collectivités est restée stable (entre 7 et 8 % du PIB), tandis que celle de l'Etat n'a cessé de progresser et a littéralement explosé depuis 2007 ! Effectivement, Nicolas Sarkozy s'est "occupé" des déficits de l'Etat… Et c'est bien là le problème !
Avec un tel bilan, le Président de la République et sa majorité devraient faire profil bas. Mais non, au contraire ! Après avoir saigné l'Etat et conduit notre pays au bord de l'abîme, la droite s'érige aujourd'hui en parangon de vertu budgétaire et n'a pas le moindre scrupule à en faire un argument politicien ! En matière de malhonnêteté intellectuelle, il est difficile de faire pire.
La fameuse "règle d'or", tant vantée par le Président Sarkozy – comme souvent, c'est ceux qui en parlent le plus qui en font le moins… – est déjà appliquée par les collectivités, qui, à la différence de l'Etat, doivent nécessairement présenter des budgets de fonctionnement au minimum à l'équilibre ; elles ne peuvent donc emprunter que pour financer leurs investissements. A ce propos, rappelons que les collectivités territoriales réalisent plus de 70 % de l'investissement public en France, et jouent, par conséquent, un rôle essentiel de soutien à l'activité économique et à l'emploi.
Les élus territoriaux estiment que la réduction des déficits publics suppose d'abord que l'Etat mette de l'ordre dans sa gestion et ses choix fiscaux, et qu'il se modernise, ce qui passe par un nouvel élan de décentralisation, pour enfin clarifier qui fait quoi.
Ce n'est pas d'un pacte de stabilité dont les collectivités ont besoin mais d'un véritable contrat de confiance. Or, celui-ci ne peut se construire de manière étrangement précipitée en fin de quinquennat, surtout après des années de stigmatisation injuste et malhonnête des collectivités et des élus locaux. Une telle démagogie est inacceptable de la part de dirigeants de la République française.
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