L'aménagement numérique du territoire : un enjeu majeur par Claudy Lebreton
01 déc
Je participais hier, à Paris, aux Assises du numérique, et plus précisément à la table ronde consacrée à l'aménagement numérique du territoire. Il s'agit là d'un enjeu majeur pour notre pays qui, s'il souhaite rester attractif, doit équiper l'ensemble de son territoire en accès Internet à très haut débit. Pour y parvenir, la technologie la plus performante et la plus sûre est la fibre optique. C'est aussi la plus chère…
Le Gouvernement a annoncé un "Plan national pour le Très Haut Débit", communiquant sur une couverture totale du territoire en fibre. Mais alors que le coût d'un chantier aussi titanesque se chiffre en dizaines de milliards d'euros (au bas mot, 21 milliards), le plus grand flou règne encore sur son financement. L'Etat n'a en effet prévu d'apporter que 900 millions (auxquels il faut ajouter 100 millions d'euros en provenance de l'Union européenne), mais le fonds prévu à cet effet n'a pas encore reçu le moindre centime.
D'autre part, l'on peut douter de la capacité des opérateurs privés à apporter les 9 milliards d'euros initialement annoncés, surtout lorsque l'on sait qu'ils devront, dans le même temps, investir pour la téléphonie mobile ainsi que pour l'achat des licences 4G et le déploiement de cette technologie.
Les collectivités craignent donc de devoir avancer des sommes colossales pour pallier, une fois encore, la déficience de l'Etat et des opérateurs privés. Collectivités qu'on accuse par ailleurs de gaspiller l'argent du contribuable et qu'on évite de consulter véritablement. Avec Alain Rousset, Président de l'Association des Régions de France (ARF), nous avons fait le même constat : le Gouvernement décide seul et c'est aux collectivités de payer la facture ! J'ai donc plaidé lors de ces Assises pour que s'instaure une véritable négociation entre l'Etat et les collectivités.
D'autre part, et surtout, je conteste fermement le choix qui a été fait par le Gouvernement de "découper la France au scalpel technocrate" entre zones denses (c'est-à-dire agglomérations) et zones moins denses (territoires ruraux), réservant les premières aux opérateurs privés et demandant aux collectivités d'équiper les secondes (considérées comme moins rentables par les entreprises commerciales). Une fois encore, c'est la puissance publique elle-même qui organise la privatisation des bénéfices et la socialisation des pertes !
Une telle démarche est d'autant plus absurde qu'on demande aux régions et aux départements d'élaborer des schémas d'aménagement numérique… desquels sont donc exclus les zones géographiques réservées aux opérateurs privés, mais qui pourraient malgré tout y être réintégrées à terme en cas de carence des opérateurs ! Nous marchons sur la tête !
De deux choses l'une : soit l'on confie cette mission aux opérateurs privés et dans ce cas, ils ont l'obligation de couvrir l'ensemble du territoire en fibre optique, et pas uniquement celles qui leur assure une rentabilité financière maximum ; soit c'est la puissance publique qui s'en charge : c'est bien ce qu'il s'était passé lorsque il avait fallu électrifier la France ou amener le téléphone dans tous les foyers.
Enfin, j'ai exprimé le souhait que nous réfléchissions aux usages que nous ferons de l'Internet à très haut débit. L'accès au numérique et ses bouquets technologiques, fixes et mobiles, vont bouleverser nos modes de vie, personnelle et professionnelle, modifier en profondeur notre façon de concevoir le logement, les déplacements, mais aussi la nature même du travail et de l'enseignement, ou encore de la santé. D'immenses efforts organisationnels devront être réalisés. Il faut nous y préparer dès maintenant.
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