Aberrant ! par Claudy Lebreton
13 oct
Les réactions n’ont pas manqué, à juste titre. Car comment peut-on à ce point dire et faire son contraire ?
Le décret du Premier ministre, cosigné par NKM et le Ministre de l'agriculture, qui permet d'augmenter les quantités d'azote épandues sur les terres agricoles, m’interpelle à plus d’un titre.
Non seulement il conserve la même norme d'épandage d'azote organique qu’auparavant (plafond de 170 kg d'azote par hectare), quelque soit la sensibilité du milieu naturel – il ne présente donc aucune avancée de ce point de vue -, mais il prend désormais en compte dans le calcul la totalité de la surface agricole utile (SAU). Cette décision donne donc la possibilité d’augmenter les quantités globales épandues et la production totale d’azote des élevages. Tout le contraire des engagements pris pour améliorer la qualité de l’eau et lutter contre les algues vertes.
On peut bien sûr dire que l’on veillera à « l’équilibre de la fertilisation », à ce que l’on n’épande pas plus que les sols ne peuvent absorber, que des contrôles seront effectués, etc, etc. Je ne suis pas convaincu.
Ce décret m’interpelle aussi par le message plus général qu’il véhicule : fallait-il vraiment ajouter confusion et cacophonie sur le sujet ? Car comment peut-on faire croire que l’on se saisit vraiment du problème des algues vertes quand, quelques mois plus tard, on fait un acte totalement contraire ? Et quelle cohérence quand, dans la même semaine, on publie ce décret et on lit une étude qui montre le coût exorbitant du traitement de la pollution des eaux liées à l'activité agricole (au moins 54 milliards d'euros par an) ? Je crains que ces messages n’alimentent le scepticisme sur les réels engagements des uns et des autres, et pas uniquement ceux de l’Etat, mais qu’ils mettent aussi le doute sur l’action que nous conduisons localement, collectivités, associations, professionnels …
Ce décret m’interpelle enfin parce qu’une telle façon d’agir n’est pas nouvelle. En 2010, le Conseil général a déposé deux recours devant le Tribunal administratif (en cours d’instruction) contre le 4ème programme d’actions « Directive Nitrates ». Nous avons alors développé différents arguments. Absence de prise en compte réelle des algues vertes. Absence de cohérence avec les autres textes réglementaires, notamment le SDAGE. Absence de fondement scientifique des mesures prises. Difficultés fortes pour la profession agricole d’agir efficacement avec un cadre réglementaire en constante évolution.
Autant d’arguments encore valables pour le décret publié mardi.
Incohérence dans la politique.
Confusion dans les messages.
Irrespect pour ceux qui agissent localement.
Stop !
Je demande l'annulation de ce décret.
Je demande à ce Gouvernement d’être raisonnable … et me réserve la possibilité de demander à l’Assemblée départementale le droit d’agir devant les juridictions compétentes.
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