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Après cinq années de gâchis, une refondation de l’école de la République s'impose par Françoise Cartron

28 mar

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F. CARTRONLe 28 février dernier, le Président sortant passait son grand oral sur l’éducation. Coutumier du fait, ce dernier a procédé à un véritable auto satisfecit. Selon lui, l’école sortirait renforcée du quinquennat qui s’achève. Les parents d’élèves, les enseignants et les élus locaux, tous les acteurs et défenseurs d’un service public d’éducation de qualité, grands oubliés du mandat présidentiel, apprécieront ce déni de réalité.

En cinq ans, la politique uniquement comptable menée par la majorité, déconnectée des enjeux pédagogiques, des réalités propres à chaque territoire, aura affaibli l’école de la République comme jamais. Elle l’aura affaiblie durablement. Sous prétexte d’un assainissement des finances publiques, près de 80 000 emplois ont été supprimés dans l’Education nationale. Inscrits au tableau noir de chaque rentrée scolaire : démantèlement des réseaux d’aide aux élèves en difficultés, assèchement des postes de remplaçants, fin programmée de l'accès à l'école maternelle pour les enfants de moins de 3 ans. L’école primaire, terrain pertinent d’intervention pour prévenir de l’échec scolaire a été désertée, brutalisée envers et contre toutes les évaluations, nationales et internationales, qui constatent, à cet âge de la vie, le déficit inquiétant d’encadrement en France.

Au détriment de qui ? Des élèves en difficultés sociale et scolaire qui, faute d’aide et d’encadrement adapté, ne pourront rattraper leur retard, des professeurs qui se retrouveront toujours plus seuls, et moins formés, face à des classes toujours plus hétérogènes, des territoires qui ont vu leur dynamisme entravé par des fermetures aveugles de classes. Chantre de l’évaluation permanente, le Président sera pourtant resté sourd à toutes celles qui exigeaient de lui une sévère autocritique.

Cinq années durant, le gouvernement a défendu devant les parlementaires que la question des moyens ne devait plus se poser, justifiant ainsi les suppressions de postes. Exception notable : les internats d’excellence. Initiée en 2008, cette mesure phare du Président a été créditée de 200 millions d’euros. Hors places « labellisées », elle concerne aujourd’hui 2 000 élèves en France. A titre de comparaison, le budget Jeunesse et vie associative pour 2012, voté par la majorité, s’élève à 230 millions d’euros ! Comment affirmer pour une infime minorité que l’accompagnement renforcé est essentiel à la réussite et prétendre le contraire pour le plus grand nombre ?

Par ailleurs, que d’échecs enregistrés ces dernières années. La réforme de la formation des enseignants, qui n’a donné lieu à aucune concertation, a amplifié la crise des vocations. Le Conseil d’Etat l’a censurée. La Cour des comptes l’a dénoncée. 70% des professeurs débutants ont fait leur rentrée en 2011 sans avoir jamais été en situation d’enseignement. Certains se sont retrouvés directement en zone d’éducation prioritaire, ont dû poursuivre une formation en parallèle. Aujourd’hui, le Président leur propose de travailler davantage pour au final gagner moins. Quelle imposture !

Je pourrais revenir sur la réforme des rythmes scolaires, inadaptés à l’enfant, aujourd’hui remise en cause ou sur l’assouplissement de la carte scolaire qui a aggravé la ghettoïsation de certains établissements. Autant d’occasions manquées, autant de dégâts qu’il nous faut réparer d’urgence. C’est une véritable refondation de l’école de la République qu’il nous faut entreprendre. 

Ce grand défi que François Hollande se propose de relever ne se fera pas sans les élus locaux. Il est frappant de constater que lors de son discours prononcé à Montpellier, pas une seule fois, à aucun moment, Nicolas Sarkozy n’a cité le mot collectivité. Et pourtant !

Dans cette Maison des collectivités qu’est le Sénat, à combien de reprises avons-nous été interpellés par les représentants, de gauche comme de droite, qui exprimaient leur désarroi face à un Etat ne voulant pas comprendre leurs difficultés, préférant les associer à des aggravateurs de la dette, plutôt que de les considérer comme ce qu’ils sont : des investisseurs mais surtout des partenaires essentiels des politiques éducatives. Le basculement historique intervenu en septembre est une conséquence de cette rupture entre les collectivités et le gouvernement actuel.

Aussi, la nouvelle majorité de gauche a fait de la proposition de Loi instaurant la scolarité obligatoire à trois ans, que j’avais déposée, un des premiers textes examinés. Celle-ci venait reconnaître le rôle essentiel de l’école maternelle et la préserver du démantèlement en marche. En lui opposant l’article 40 de la Constitution, le Ministre a refusé d’en débattre. Alors que les associations de maires appellent de leurs vœux le maintien d’un enseignement primaire de qualité sur tous les territoires, le gouvernement a affiché son mépris envers les élus locaux et leur représentation sénatoriale.

Dans cette Maison des collectivités qu’est le Sénat, deux missions d’information ont été mises en place au début de cette année, l’une sur le métier d’enseignant, l’autre sur l’assouplissement de la carte scolaire, pour laquelle j’ai été désignée rapporteur. Dans le cadre de ces travaux, nous donnons la parole à toutes les composantes, aux enseignants, aux chefs d’établissements, publics et privés, aux chercheurs, aux syndicats, quelle que soit leur sensibilité, aux élus locaux.

J’ai souhaité qu’un blog soit ouvert sur le site du Sénat : blogs.senat.fr/carte-scolaire/. Son objectif : recueillir des témoignages et des retours d’expériences afin d’enrichir notre réflexion.

Le rapport que je présenterai à la fin du premier semestre de cette année établira un premier bilan de l’assouplissement de la carte scolaire initié en 2007. Des préconisations seront faites en faveur d’une plus grande mixité au sein des établissements, en faveur d’une plus grande justice sociale entre les élèves, en faveur d’un plus grand équilibre entre les territoires et d’un partenariat renforcé entre l’Etat et les collectivités, notamment les Conseils généraux.

Alors que les effectifs du secondaire sont amenés à croître considérablement dans les années à venir – 5.3% de collégiens et 4.7% de lycéens en plus entre 2010 et 2015 – la problématique de la carte scolaire ne peut être éludée. Mais sur ce point également, Nicolas Sarkozy rend copie blanche, laissant uniquement entendre que le non remplacement automatique d’un fonctionnaire sur deux se poursuivra dans le second degré. Où est le programme ? Quelle est l’ambition ?

Ce mercredi 28 mars marque les 130 ans de la Loi Ferry instaurant l’éducation obligatoire et l’enseignement public laïque en France. Cette date anniversaire est à double titre symbolique. Elle est l’occasion de rappeler notre refus catégorique de la politique menée depuis 5 ans. Le candidat endosse en cette période électorale l’habit de pompier pyromane. Il faut que ce jeu dont plus personne n’est dupe cesse. La jeunesse, la génération qui vient mérite mieux.

Elle est surtout l’occasion d’appeler à une refondation collective de l’école de la République, celle que propose justement François Hollande, une école au sein de laquelle la justice ne s’oppose pas au mérite.

Le 22 avril et le 6 mai, cet appel doit être entendu. Ainsi, il pourra se transformer en actes.

 

Françoise CARTRON

Sénatrice de la Gironde

Vice-présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication

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Adhérent au Parti socialiste en 1975, devenu maire de Plénée-Jugon en 1977, je suis président du Conseil Général des Côtes d'Armor depuis 1997 ainsi que président de l'Assemblée des départements de France depuis 2004.

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